La complainte du jeune galérien...
Je me suis éclaté pendant de longues vastes nuits,
mais, au petit matin, je me suis découvert
répandu en mille miettes solitaires.
tombées d' une table où tempêtait l'ivresse
sur un trottoir devenu étranger.
Qui voudra ramasser ces fragments de moi-même
pour en refaire un pain que tous aimeraient manger?
"Pas moi, dit l' un. il est trop tard, je suis vraiment repu !";
"Pas moi, dit l' autre, il est trop tôt, je n' ai pas encore faim !"
(Les éboueurs, eux, arrivent à l' heure....)
"Prends place, mon frère, sur une poubelle, attends
les petits chiens et les oiseaux du ciel.
Tu seras leur repas :
ils aiment le naturel,
ils ne sont pas civilisés.
ils n' ont rie à prouver.
Nous, vois-tu, nous sommes fâcheusement humains".
Mais les petits chiens sont restés à la chaîne,
et les oiseaux ont dû chercher refuge
dans l' insolence bleue de leur relégation.
Alors je me suis recueilli,
et me suis consommé
et me suis consumé,
jusqu'à n' être plus rien,
moi, le garçon brisé le garçon éclaté
des vides longues nuits.
Mais j' espère malgré tout contre toute espérance
que demain éclateront , au creux des bavardages.
le haut-fait prodigieux,
l' involontaire opprobre de mon redressement.