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Lettre de parents vieillissants à leur fils

Ce poème écrit de la main de notre ami Jean-Pierre est délicat, tellement vrai et rempli de tendresse...

Ecrit par l'Ordissinaute Jean-Pierre de Montrouge

Lettre de parents vieillissants à leur fils,
 (Pour qu'il n'oublie pas qu'un jour, lui aussi sera vieux)

Si un jour tu t'aperçois que nous sommes devenu vieux, que nos mains tremblent, que nous avons du mal à nous habiller, ou que nous nous salissons en mangeant, sois indulgent mon fils, souviens-toi du temps où ta mère et moi t'apprenions à tenir correctement ta cuillère, à boutonner ta chemisette, ou faire de belles boucles à tes souliers.

Quand tu  me vois mal rasé, ta mère mal peignée,  ne nous étant pas lavé, ne nous  fais  pas la morale, souviens-toi lorsque tu étais petit, tu inventais milles excuses pour ne pas prendre ton bain.

Si il te semble que nous radotons que nous répétons souvent les mêmes choses, ne nous prends pas pour des vieillards séniles, souviens-toi du temps où tous les soirs, ta mère ou moi devions te raconter plusieurs fois la même histoire pour qu'enfin tu puisses t'endormir.

Lorsque nous n'arrivons plus à nous souvenir, ou que nous perdons le fil de la conversation, sois patient, l'important n'est pas trop ce que nous te disons, l'important
pour nous,  est que tu sois là, à notre écoute,  à nous aider à nous souvenir.

Devant notre ignorance pour les technologies nouvelles, ne sois pas ironique, ne nous dis pas  « Je vous ai déjà montré ! ». As-tu compris tout de suite comment assembler de simples légos ? 

Si je n'arrive plus à te suivre lors d'une promenade, ne me considère pas comme un boulet, mais offre moi le soutien de tes bras, comme nous l'avons fait, ta mère et moi, pour assurer tes premiers pas. Si ta mère préfère son fauteuil à une promenade, ne lui en veux pas, ses jambes sont si fatiguées, souviens-toi petit, tu préférais ta poussette, plutôt que gambader devant nous, prétextant un bobo aux jambes, afin de ne pas marcher.  

Voix-tu mon fils,  être vieux,   c'est un peu retomber en enfance. 

Être vieux, mon fils, c'est ne plus se souvenir,  ne plus reconnaître les visages, confondre les liens de parenté, les amis.
Être vieux,  mon fils, c'est vivre dans un monde à part, fait d'oubli du passé et d'un présent trop monotone, où rien ne ressemble plus à une triste journée qu'une autre triste journée.  
Être vieux,  mon fils, c'est quelquefois vouloir paraître encore, avant de disparaître, enfin.

Alors mon fils sois patient avec ta mère et moi, un jour  peut-être t'adressant à tes enfants tu leur diras :

« Ne nous jugez pas, souvenez-vous lorsque vous n'étiez alors que d'adorables bambins... »