Petit poème : "J' aurais pu danser..."

J' aurais pu danser de joie sur le corps
de mes amours sacrifiés,

fouler les raisins luisants au pressoir du triomphe,
pour vivre à une plus souple cadence;

j' aurais pu vouloir me fortifier
dans le mépris de ma faiblesse,

balayer d'une seule bourrasque de mon rire
les derniers vestiges de ce qui fut;

mais c'eût été pour moi violence qui trébuche
contre les leurres du doute. Non,

je fuis vers l' amitié de plus qu'un
dieu : celle du Rien

juché plus haut que la Nuit et même
aveugle aux désignations

de la Lumière trop sûre de soi...
Il me faut la quiétude

de celui que n' effraient plus l' attente
et les présomptions du Temps.

Je m'impose alors de lâcher les rambardes
de l'espoir, me laissant jouir,

d'un flot sans qualités, me rapatrier
paisiblement à l'arrière des nuages,

à l'obscure, humide parturition
du monde jamais clos,

à la Mère unique de toutes choses,
de toute initiation.

Gérard