L'usufruit et la nue-propriété

Démembrer pour mieux donner

L'usufruit et la nue-propriété


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Le droit de propriété qu'une personne exerce sur un bien lui appartenant se divise en deux situations juridiques distinctes :
· D'une part, la nue-propriété qui est le droit de disposer de son bien à sa guise, et éventuellement de le modifier ou de le détruire.
. Et d'autre part, l'usufruit qui est le droit de se servir de ce bien ou d'en recevoir les revenus. Par exemple, s'agissant d'un bien immobilier, l'usufruit représente le droit d'encaisser des loyers.

Il y a démembrement de propriété quand la propriété d'un bien est divisée entre un (ou plusieurs) usufruitier, et un (ou plusieurs) nu-propriétaire.

Le droit de jouissance de l'usufruitier porte sur le bien et tous ses accessoires, de même que sur « tout ce qui s'unit ou s'incorpore naturellement au bien par voie d'accession ». Cependant, l'usufruitier supporte les charges ordinaires grevant le bien et des charges normalement payées avec les revenus de ce bien. Il doit également veiller à l'entretien du bien et à sa conservation. Il doit jouir de ce bien « en bon père de famille ». Mais il n'est pas tenu de faire les réparations majeures, à moins qu'elles ne résultent de son fait.

Si l'usufruitier manque à son devoir de conservation du bien, le nu-propriétaire est en droit d'accomplir tous les actes matériels (réparations urgentes...) ou juridiques (actions en justice) susceptibles de pallier ce manque.

Au terme de l'usufruit, le nu-propriétaire devient propriétaire de plein droit sans payer de droit de succession ou de donation.

Le droit de nue-propriété et le droit d'usufruit peuvent être cédés ou vendus en tant que tels. Les valeurs de l'usufruit et de la nue-propriété dépendent de la durée du démembrement. Pour un usufruit viager (qui se termine au décès de l'usufruitier), sa valeur dépend de l'espérance de vie de l'usufruitier, et de la valeur du bien. On applique le barème suivant :

10% de la pleine propriété quand l'usufruitier est âgé de 91 ans ou plus,
20% quand il est âgé de 81 à 90 ans,
30% quand il est âgé de 71 à 80 ans,
40% quand il est âgé de 61 à 70 ans,
50% quand il est âgé de 51 à 60 ans,
60% quand il est âgé de 41 à 50 ans,
70% quand il est âgé de 31 à 40 ans,
80% quand il est âgé de 21 à 30 ans,
et 90% en deçà.

La valeur fiscale de la nue-propriété est calculée par soustraction.

Quand l'usufruit n'est pas viager mais fixé pour une durée déterminée, sa valeur fiscale est fixée à 23% de la pleine propriété par période de dix ans, dans la limite de la valeur fiscale de l'usufruit viager.


Cas fréquents de démembrement

Le type de démembrement le plus fréquent est le démembrement conventionnel, c'est-à-dire établi par la volonté de l'homme dans un contrat à titre gratuit ou à titre onéreux. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles une personne souhaite démembrer un bien :

- La cession (vente, apport en société...) ou la donation de l'usufruit d'un bien immobilier revêt un intérêt particulier pour les personnes soumises à l'ISF. En effet, le bien est imposé pour sa valeur en pleine propriété, dans le patrimoine du seul usufruitier.

- Les parents peuvent céder, pour une durée déterminée, l'usufruit d'un ou plusieurs immeubles à leurs enfants. Ce qui permet aux enfants de toucher des revenus complémentaires, en début de vie professionnelle, par exemple, et de réduire l'assiette imposable des parents.

- Une personne, notamment retraitée, peut souhaiter vendre la nue-propriété d'un bien, et recevoir une somme d'argent, tout en conservant l'usufruit afin d'utiliser le bien ou de profiter de ses revenus jusqu'à la fin de ses jours. C'est ce qu'on appelle la vente en viager.

- De même une donation avec réserve d'usufruit permet également au donateur de s'assurer de jouir du bien jusqu'à la fin de ses jours, mais sans recevoir une somme d'argent. Par contre, elle offre des avantages successoraux. Le démembrement de propriété est en effet un outil efficace pour diminuer les droits de succession qui seront payés par les héritiers. Généralement, le donateur fait une donation avec réserve d'usufruit à ces enfants. Dans ce cas les droits de succession sont calculés sur la valeur de la nue-propriété. Au décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire reçoit l'usufruit et devient propriétaire sans payer de droit de succession.

- En plus des avantages fiscaux, le démembrement de propriété peut être utilisé pour avantager temporairement un héritier. Par exemple, le donateur peut vouloir protéger son concubin ou partenaire pacsé en lui donnant l'usufruit du logement familial. Il peut également aider un enfant en lui accordant un revenu complémentaire grâce à une donation temporaire d'usufruit.

L'autre type de démembrement courant est l'usufruit légal. Il résulte du choix du conjoint survivant, en l'absence d'enfant d'un premier lit et à défaut de disposition contraire, de recueillir toute la succession en usufruit et non pas le quart en pleine propriété (art. 757 du Code Civil). Il laisse alors la nue-propriété de l'actif successoral aux enfants. Dans ce cas l'usufruit est viager. Le démembrement peut également résulter de dispositions à cause de mort : testament ou donation au dernier vivant entre époux. Dans ce cas, le démembrement se produit au décès du disposant. Par exemple, il arrive souvent qu'on lègue par testament l'usufruit de ses biens à son conjoint, les enfants recueillant par ailleurs la nue-propriété.

A noter que la multiplication des divorces a favorisé l'émergence d'une autre source de démembrement de propriété : l'institution judiciaire avec l'attribution à l'un des ex-conjoints d'une prestation compensatoire en usufruit.


Le quasi-usufruit

Dans le cas d'un bien immobilier, le droit de jouissance de l'usufruitier ne comporte aucune ambigüité : l'usufruit peut utiliser ce bien et/ou en percevoir ces revenus. Mais ce droit est plus difficile à concevoir dans le cas d'un bien consomptible (bien dont on ne peut pas faire usage sans le consommer). Par exemple, comment faire pour jouir d'une cave à vin sans vider les bouteilles ?

Ainsi, l'administration fiscale accepte que l'usufruitier peut disposer, comme s'il était propriétaire, des biens compris dans l'usufruit dont on ne peut faire usage sans les consommer, à charge d'en rendre de semblables en pareille quantité et qualité à la fin de l'usufruit. On parle alors de quasi-usufruit Le quasi-usufruit peut porter, par exemple, sur les choses suivantes :
· liquidités et autres sommes déposées sur un compte bancaire, compte en espèces du PEA, livrets, PEL, CEL,
. marchandises d'un fonds de commerce destinées à être vendues,
. récolte de grains d'une exploitation agricole, etc....

Le nu-propriétaire dispose alors d'une créance contre le quasi-usufruitier à faire valoir au terme du démembrement.

Par exemple, dans le cas d'un quasi-usufruit viager, le nu-propriétaire dispose d'un droit de créance contre la succession de l'usufruitier. Dans le cas de l'usufruit légal du conjoint survivant, en cas d'usufruit sur un capital, les enfants récupéreront la valeur de ce capital sur l'actif successoral du conjoint survivant (sans payer de droit de succession). Le risque est alors que l'usufruitier dilapide le capital et que son actif successoral lors de son décès soit insuffisant pour rembourser les nus-propriétaires.

Pour éviter les litiges, une clause limitant les droits de l'usufruitier peut avoir été incluse, dans un testament, dans le contrat d'assurance vie, ou dans l'acte de donation par le détenteur du capital. Par exemple, l'usufruit n'aurait le droit de disposer que des intérêts du capital, ou pourrait disposer du capital avec l'accord des nus-propriétaires. La clause pourrait également exiger le remploi des fonds sur un support sécurisé, un fonds monétaire par exemple. Les nus-propriétaires, lorsqu'il s'agit d'un descendant du défunt, peuvent aussi exiger que les sommes en cause soient placées sur un compte bloqué. Mais, en pratique, cette mesure de protection est rarement mise en oeuvre

Au niveau des droits de succession, le même barème que pour un démembrement classique s'applique et les nus-propriétaires doivent payer des droits de succession en fonction de la valeur de la nue-propriété des sommes, qu'ils ne recevront peut être jamais.

La seule exception concernait l'assurance vie pour les sommes versées avant 70 ans. L'article 990I CGI, qui prévoit un abattement de 152 500 euros, considérait également que dans le cas d'une clause bénéficiaire démembrée, l'usufruitier était le seul bénéficiaire exclusif puisqu'il percevait l'intégralité de la somme. Il était donc le seul à être taxé. Ceci en faisait une véritable niche fiscale, d'autant plus que la loi TEPA de 2007 a exonéré le conjoint survivant de droit de succession, et qu'il suffisait alors à l'assuré de donner l'usufruit de son contrat au conjoint et la nue-propriété aux enfants pour donner une somme en franchise de droit de succession.

Mais l'Etat ne pouvait pas laisser perdurer un tel système. La loi des Finances rectificatives du 29 Juillet 2011 a précisé que dans le cas d'une clause démembrée, l'usufruitier et le nu-propriétaire étaient tous les deux considérés comme bénéficiaires et devaient donc s'acquitter des droits de succession au prorata de la part leur revenant.
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